Il faisait froid ce jour-là ; il avait plu dans la matinée mais la pluie s’était arrêtée en fin d’après-midi mais le ciel restait couvert et on ne pouvait pas voir les étoiles. L’air était humide et il faisait froid. Mais les flaques et le sol trempé, Niamh portait ses rollers, fidèle à son habitude ; cela faisait quelques mois qu’elle était entrée à l’Université et qu’elle avait fait la rencontre de Skull. D’ailleurs, ce soir, c’était la première fois qu’elle partait en solitaire peindre la ville ; elle avait décidée de partir dans un coin un peu plus à l’extérieur du terrain de jeu habituel, donc sans personne pour la prévenir en cas de danger. Mais elle s’en fichait ; de tout façon, les flics était bien plus au chaud dans leur voiture à boire du café et à manger des donuts qu’à partir chasser des délinquants.

Un gros sac de sport cognait sur sa jambe au rythme des rollers, cliquetant à chaque fois que les bouteilles de peinture entraient en collision. Du casque qu’elle portait s’échappaient un solo de batterie endiablé, et elle tirait passivement sur un joint, le sourire aux lèvres.

- Bon, qu’est-ce que je fais, ce soir, se demanda-t-elle à haute voix, sans crainte d’être entendue. Des orchidées ? Mouais, nan, trop cliché. Pastèque ? Mais avec quoi ? Et si je faisais plus chic ce soir ? ... J’ajoute un costard à la pastèque ? Et un pistolet et je l’appelle James Melon ?

Elle éclata de rire.

- N’empêche qu’il faut que je la retienne cette idée, moi… James Melon… La seule pastèque espionne au monde… Demain ne mourra pas car la pastèque qui m’aimait enverra des bons baisers de Russie… Bientôt sur vos écrans ! Ah lala, faut que je me calme, moi… Bon plus sérieusement, qu’est-ce que je peins, ce soir ? Allez, soyons fous, on va faire une vanité remixée façon Pandora… Sauf que les crânes humains, ce n’est pas très original… Et puis qui a décidé que ce serait des humains qui auraient leur crâne posé en guise de décoration ?! Ben, moi, je vais faire une vache, na ! En plus ça reflétera parfaitement l’état dans lequel est la société. Et du coup je pourrai y mettre James Melon, des tulipes, et, oh la vache mâchera du chewing-gum !

Niamh continua sa route, excitée par son idée, à la recherche du mur parfait pour y imposer sa plume. Elle finit par le trouver une dizaine de minutes plus tard, mais elle fit un rapide tour du quartier pour être vraiment sûr qu’aucune voiture de police ne se trouve dans le coin. Elle posa son sac et commença son œuvre.

Une vingtaine de minutes plus tard, elle fit une pause, histoire de se reposer et d’admirer son travail. Sa musique venait maintenant d’un petit haut-parleur, à un volume plus raisonnable que tout à l’heure. La jeune femme se pencha de son sac et y récupéra une bière, qu’elle décapsula avec les dents.

- Pas mal, souffla-t-elle en jetant la capsule vers un tas de sac poubelle.

Les murs étaient trop humide à son goût et elle avait peur que la peinture ne coule et ne tiennent pas, mais pour le moment, tout semblait fonctionner. Un bruit la fit soudainement se retourner et elle aperçut une silhouette un peu plus loin ; en s’approchant, elle vit qu’il s’agissait d’un garçon qui avait l’air d’avoir environ son âge.

- Hello, dit-elle en lui adressant un signe de la main. Ça boum ?  

Niamh observa le jeune homme avec un peu plus d’attention ; elle n’avait pas réfléchit avant de l’approcher mais il pouvait très bien être un drogué en manque ou un psychopathe. Ou un flic sous couverture. Mais il n’avait la tête à ça. Il n’avait bonne mine mais il ne lui semblait pas qu’il allait lui sauter à la gorge pour l’agresser et lui demander de l’argent pour sa came ou autre chose. Elle s’accroupit pour se mettre à sa hauteur.

- C’est bon, je n’ai pas l’intention de t’attaquer à ton maître, lança-t-elle au chien. Ça serait stupide et ça ne me rapporterait rien… À part peut-être des blessures inutiles… Choses dont je n’ai pas besoin pour le moment… Et de toute façon, je ne suis pas d’humeur à me battre.

- Et sinon, dit-elle en se tournant vers son autre interlocuteur, moi c’est Niamh mais tout le monde m’appelle Pandora.

La jeune femme avala une goulée de bière, écoutant l’histoire de l’homme au chien.

- Mouais, c’est moche… Y’a que les cons finis qui mettent leurs gosses à la rue… Sauf circonstances atténuantes… Mais je ne pense pas que ce soit ton cas.

Elle se redressa soudainement et commença à rouler en petit cercle devant lui, tout en pensant à haute voix.

- Et tu dis que tu n’as nulle part où aller ? Ça bête de te laisser crever de froid… Et si tu restes dans la rue, cela veut sûrement dire que tu évites les foyers ou que tu es trop vieux pour y aller… Je n’ai pas envie de te laisser là, je vais culpabiliser après. Bon, où est-ce que je pourrais te trouver une place ? Un squat ? Oui mais lequel ? On oublie celui qui est vers le port, il est trop humide. Sinon celui-là est bien isolé mais les flics font de plus en plus de ronde dans le coin. Le supermarché ? Nan, il va être détruit dans quelques mois. Mouais, l’habituel, c’est encore ce qu’il y a de mieux…

Elle se retourna et fit face au jeune homme.

- Si ça t’intéresse, je connais un endroit où tu pourrais rester, du moins à titre provisoire, car on ne sait jamais quand la police fait ses descentes ou si le bâtiment doit être détruit. Je pense que tu pourras au moins y passer l’hiver à l’abri et plus au chaud que dehors. Après, le coin n’est pas désert et il y a souvent des gens louches qui y traînent… Enfin ils sont à peu près tous plus bêtes que méchants et généralement c’est la nuit que c’est le Bronx car très peu de personne y crèchent la journée… Et j’espère que tu n’es pas douillet car ça ne sent pas spécialement la rose, là-bas.  Oh, et les animaux sont acceptés, bien sûr. Alors, tu es partant ou pas ?

Tout en écoutant sa réponse, Niamh se dirigea vers son sac où elle arrêta sa musique et rangea ses affaires. Son œuvre n’était pas totalement finie mais elle avait son charme et elle plaisait à la jeune femme. Elle se retourna en direction du jeune homme.

- Au fait, tu veux une bière ? Oh, et ça me fait penser que je ne sais pas comment tu t’appelles. C’est quoi ton nom ? Et celui du chien ?